Lehnert & Landrock

En 1985, le musée intègre dans sa collection le fonds d’archives du studio photographique Lehnert & Landrock. Fondé par Rudolf Franz Lehnert (1878–1948) et Ernst Heinrich Landrock (1878–1966), le studio est actif à Tunis de 1904 à 1914, puis au Caire dès 1924. Il se spécialise dans la production d’une iconographie de l’Orient, largement diffusée en Europe par la photographie et la carte postale.

Aujourd’hui, Photo Elysée interroge son rôle de médiateur des images en posant un regard critique et introspectif sur les objets qu’il conserve. En collaboration avec un comité scientifique, le musée propose d’étudier les dimensions esthétiques et politiques de ce corpus dans le contexte des entreprises coloniales.

Pour ouvrir la réflexion à d’autres perspectives, Photo Elysée invite l’artiste Gloria Oyarzabal à explorer ces archives. Son regard contemporain questionne la manière dont les musées abordent aujourd’hui les collections liées à l’histoire coloniale. Son travail entre en dialogue avec celui de l’artiste saoudienne Nouf Aljowaysir, qui s’intéresse à la manière dont l’intelligence artificielle prolonge et renforce les stéréotypes associés à la représentation de l’Orient.

L'exposition contient des images pouvant heurter la sensibilité de certains publics.

Rudolf Lehnert et Ernst Landrock se rencontrent en Suisse en 1903. Originaires respectivement de Bohème et de Saxe, ils partagent un intérêt prononcé pour l’"Orient", une région fantasmée par l’imaginaire européen, et dont la représentation relayée notamment par la littérature, la peinture, la mode et la photographie.

En 1904, ils ouvrent un premier studio photographique à Tunis, alors sous protectorat français. Lehnert réalise les prises de vue en Tunisie, Algérie, Égypte et Palestine, tandis que Landrock gère l’atelier. Leur succès repose en grande partie sur la production d'héliogravures et de cartes postales, très prisées et largement diffusées à l’époque.

L’aventure est interrompue en 1914 par la Première Guerre mondiale. En 1920, ils créent la société Orient Kunst Verlag à Leipzig, puis ouvrent un nouveau studio au Caire en 1924, dans un territoire sous occupation britannique, malgré la déclaration unilatérale d'indépendance de l'Égypte signée en 1922. Après leur séparation en 1930, Landrock continue seul, puis avec ses héritiers, l’exploitation de l'entreprise Lehnert & Landrock.

Le studio produit des milliers de photographies de paysages et de figures idéalisées, dunes, oasis, harems, odalisques, qui participent à la construction d'une vision stéréotypée de l’Orient.

En 1985, les descendants d’Ernst Landrock déposent les archives du studio à Photo Elysée, qui en assure la conservation.

Gloria Oyarzabal Lodge (1971) est une artiste espagnole. Elle est diplômée de la faculté des beaux-arts de l’Universidad Complutense de Madrid et titulaire d’un master en création et développement de projets photographiques de Blankpaper à Madrid. En 2009, elle s’installe à Bamako durant trois ans, où elle mène des recherches sur la construction de l’idée de l’Afrique, les dynamiques de colonisation/décolonisation et les féminismes africains. En 2017, elle participe à la résidence Ranchito Matadero au Nigeria et en Afrique du Sud, approfondissant sa réflexion sur la place des femmes nigérianes dans la société contemporaine.

En 2023, elle est nominée au Prix Elysée avec sa série USUS FRUCTUS ABUSUS_La Blanche et la Noire, qui revisite le tableau de Félix Vallotton de 1913 en interrogeant l’histoire de la représentation du corps des femmes dans la peinture européenne.

Le travail de Gloria Oyarzabal a été exposé à l’international et notamment au Fotofestiwal à Łódź, au Lagos Photo Festival, au FORMAT Festival à Derby, à Guetxofoto, au Athens Photo Festival, à PhotoEspaña à Madrid, à PHOTO IS:RAEL à Tel-Aviv, au Bitume Photofest à Lecce, aux Encontros da Imagem à Braga et aux Odessa Photo Days.

Nouf Aljowaysir (1993) est une artiste saoudienne spécialisée dans les nouveaux médias et basée à New York. Elle se forme en architecture informatique, interaction homme-machine, et en codage créatif à la Carnegie Mellon University à Pittsburgh et à la New York University.

Dans son travail, elle examine l’évolution de nos comportements et de nos interactions avec les algorithmes. En posant des questions intimes à des outils d’intelligence artificielle et en détournant leur usage conventionnel, elle révèle la logique de leur fonctionnement et les motivations capitalistes qui façonnent leurs résultats. L’artiste utilise ses recherches pour interroger sa propre histoire, et réfléchir à la manière dont ces systèmes influencent nos modes de pensée et notre regard.

Nouf Aljowaysir a bénéficié de résidences d’artistes chez ThoughtWorks Arts et à la Somerset House à Londres. Son travail a été exposé à l’international, notamment au Jeu de Paume à Paris, au Centre Pompidou à Paris, au Museo Tamayo à Mexico, au M+ à Hong Kong, à CPH:DOX à Copenhague et au Festival du film de Tribeca à New York. Son film Ana Min Wein? (Where Am I From?) a remporté le Lumen Prize 2023 dans la catégorie image en mouvement, et a été diffusé par The New York Times – Op-Docs en juin 2024.

Retrouvez une sélection de morceaux autours de l'exposition Lehnert & Landrock. Relecture d'une archive coloniale.

En résonance avec l’exposition présentée à Photo Elysée, le MCBA propose Vallotton. Forever.