Son parcours à l’Elysée ne fut pas un long fleuve tranquille. Diverses frustrations ont émaillé son travail de documentaliste. Un manque de reconnaissance parfois et une institution qui, selon elle, s’est progressivement transformée en une entreprise. "Les fonds Ella Maillart et Nicolas Bouvier m’ont sauvé, affirme-t-elle, mi-sérieuse, mi-ironique. Ce furent deux incroyables rencontres avec les familles et les ayants droits. Elle était solide, terrienne, des yeux bleus perçants; lui, c'était tout le contraire, un homme passionné et un conteur formidable." Pascale Pahud ira jusqu’à monter une exposition des photographies de l’auteur de l’usage du monde dans l’une des succursales d’UBS et au Manoir de Cologny à Genève. "J’aurais été très triste de quitter le musée sans faire quelque chose de concret avec ce fonds. Avoir été au bout de ce projet m’a permis de travailler plus sereinement par la suite." Elle ne veut cependant résumer son parcours à l’Elysée à ces deux fonds. Nombre de photographes ont illuminé sa carrière. Le travail de Marco Giacomelli lui est par exemple très cher, notamment ses clichés des plages de Senigallia aux noirs d’encre et aux blancs aveuglants qui lui rappelle son apprentissage de la gravure.
Et la fin à Photo Elysée, y pense-t-elle seulement? "Oui, elle se rapproche à grands pas. Mais je n’ai aucun regret. Je sens que j’arrive doucement au bout de quelque chose." Le déménagement, elle avoue avoir de la peine à s’y investir. Sa relation avec l’Elysée a commencé et s’arrêtera entre les murs de la maison de maître qui surplombe le Léman. L’écrin flambant neuf du quartier des arts et le concept de tout rassembler au même endroit est une idée qui ne l’enchante guère, mais elle précise qu’elle fera quand même le voyage à Plateforme 10, avec bonne humeur et sérénité.
Et la suite? "J’ai envie d’apprendre un instrument de musique et de voyager", ponctue-elle avec un large sourire. On s’en serait douté. Le rêve d’une vie au bord de l’océan aussi, malgré ce Léman qu’elle aime tant mais à qui "il manque une dimension". Presque un affront pour ces eaux qu’elle a contemplées pendant plus de 30 ans depuis le parc de l’Elysée. Elle se promet encore de découvrir l’Iran, histoire de continuer sa quête d’art islamique. Des rêves et des projets plein la tête, avec une certitude: la retraite ne sera que le début d’une nouvelle aventure.
Léo Tichelli
Cet article a été rédigé pour L’Elysée hors champ, un journal en ligne réalisé en partenariat avec le journal Le Temps lors de la fermeture du musée pour son déménagement à Plateforme 10. L’Elysée hors champ était actif de septembre 2020 à décembre 2022.