Robert Walker

Color is Power
30.10.2003 – 25.01.2004

Né à Montréal, Robert Walker est un artiste cosmopolite, autant dans son parcours que dans son œuvre. Le paysage urbain exerce sur lui une véritable fascination, qui l’a amené à photographier de nombreuses métropoles telles que New York, Rome, Paris, Toronto, Las Vegas, Varsovie, Provincetown ou sa ville natale. Sa discrétion fait de lui un habile photographe de rue, apte à s’adapter aux circonstances, à improviser plutôt qu’à mettre en scène ses images – la spontanéité étant une qualité qu’il admire dès l’adolescence chez les musiciens de jazz.| D’autres influences marquent également l’esthétique haute en couleurs saturées de Robert Walker, qui a suivi une formation de peintre dans les années 1960 au Canada. Le photographe apprécie tout particulièrement le formalisme froid des artistes abstraits colour-field de New York : Kenneth Noland, Morris Louis et Ellsworth Kelly. Lors de ses prises de vue, il a pour habitude de faire abstraction de l’aspect émotionnel de son sujet pour se concentrer sur l’équilibre des couleurs et la qualité de la composition de l’image en tant que surface plane. Il note aussi l’importance du message critique des artistes du pop art – Roy Lichtenstein, James Rosenquist ou Robert Rauschenberg – dont l’art figuratif vise principalement la société de consommation. À la suite de Marshall McLuhan, Robert Walker relève l’infiltration de la publicité dans le quotidien de chacun et la présence massive d’images dans l’espace médiatique, qui finit se confondre avec celui de la ville. Le quartier de Times Square, où il déménage en 1978, lui offre un terrain d’observation idéal de ces phénomènes.

L’ensemble des photographies de Color is Power (« la couleur, c’est le pouvoir ») développe ainsi une critique explicite de la société de consommation productrice d’images publicitaires, symboles du pouvoir économique. La couleur étant l’un des principaux moyens commerciaux d’attirer l’attention du public, elle illustre au mieux la puissance de l’image et son impact sur les consommateurs potentiels. Robert Walker opère un détournement radical des messages mercantiles par le biais de l’esthétique du fragment et du patch work : les slogans sont coupés abruptement et assemblés de manière incongrue dans des combinaisons poétiques, productrices de sens nouveaux. Les différents plans de l’espace se juxtaposent, les personnages sont réduits à de simples motifs décoratifs, dans des vues urbaines où le premier plan obstrue le contexte d’arrière-plan, le lieu devenant difficile à identifier. Dans une ville devenue pratiquement anonyme, les passants ressemblent à des figurants, vulnérables et éphémères, dans un environnement visuel menaçant, susceptible de se substituer à la vie elle-même. Après un stage de photographie de rue mené par Lee Friedlander en 1975, Robert Walker avait pris conscience de la nécessité de s’exprimer à l’aide de la photographie couleur, dont les vastes possibilités créatives étaient alors peu explorées. Le noir et blanc ne lui permettrait pas de rendre avec une telle justesse – non dépourvue d’humour – la complexité du paysage urbain.

L’exposition est conçue par le Musée de l’Elysée, en collaboration avec le Musée Jan Cunen à Oss, en Hollande. Elle est accompagnée d’un catalogue paru en français aux éditions Steidl, Göttingen, comportant des textes de Max Kozloff, critique d’art, et de Jan Andriesse, peintre. Il existe des versions anglaise, allemande et hollandaise de cet ouvrage.